En Suisse, le harcèlement moral au travail — parfois appelé mobbing — et l’isolement professionnel sont des comportements reconnus comme des atteintes graves à la personnalité et à la dignité du salarié. Ces situations ont des conséquences profondes et durables sur la santé psychique des victimes, allant de la perte d’estime de soi à l’anxiété, la dépression ou l’isolement social.
Pour l’employeur, ces comportements ne sont pas seulement problématiques sur le plan humain : ils engagent sa responsabilité civile et pénale, conformément à l’article 328 du Code des obligations (CO) et à l’article 6 de la Loi sur le travail (LTr). Ignorer, minimiser ou ne pas traiter ces situations peut constituer une violation de l’obligation légale de protection des collaborateurs.
Dans ce contexte, la lutte contre le harcèlement moral et l’isolement ne se limite pas à la conformité légale. Elle consiste à prévenir, détecter et accompagner efficacement les victimes, afin de limiter leurs impacts psychologiques, sociaux et professionnels. La mise en place de procédures internes claires, de dispositifs de soutien et de stratégies de prévention devient ainsi une priorité managériale et éthique, essentielle pour protéger les collaborateurs et maintenir un environnement de travail sain et performant.
Victimes de harcèlement et isolement : effets et responsabilités
Le harcèlement moral et l’isolement professionnel se traduisent par des comportements répétés de dénigrement, d’humiliation, de marginalisation ou de surcharge de travail intentionnelle, visant à déstabiliser ou exclure un collaborateur.
Selon le Tribunal fédéral, il y a mobbing lorsque des agissements durables cherchent à fragiliser une personne dans son environnement professionnel.
Les victimes subissent des conséquences sévères et durables : perte de confiance en soi, troubles anxieux, épuisement professionnel (burn-out), voire incapacités de travail de longue durée. L’isolement amplifie ces effets en limitant les soutiens sociaux et en augmentant la souffrance psychologique, ce qui illustre directement l’impact du harcèlement et de l’isolement sur les collaborateurs.
Pour l’entreprise, ces situations génèrent aussi des risques juridiques et organisationnels concrets :
- Dommages-intérêts en vertu des articles 328 CO et 49 CO ;
- Résiliation abusive du contrat selon l’art. 336 CO ;
- Atteinte à la réputation et dégradation du climat social, avec perte de motivation et de performance.
Ainsi, le harcèlement moral et l’isolement ne sont pas seulement des problématiques individuelles : ils représentent un enjeu humain et légal majeur, et leur impact sur les victimes doit être pris en compte dans toute stratégie de prévention en entreprise.
L’isolement professionnel : une forme subtile mais dangereuse de mobbing
L’isolement professionnel se manifeste par l’exclusion d’un collaborateur, le retrait d’informations essentielles ou son absence dans les échanges d’équipe, affectant directement sa capacité à travailler et à s’intégrer.
Même sans intention malveillante explicite, ces comportements peuvent constituer une atteinte à la personnalité du salarié, engageant la responsabilité de l’employeur au titre de l’article 328 CO, qui impose la protection de la santé et de la dignité des collaborateurs.
Lorsque l’isolement devient persistant ou délibéré, il peut être considéré comme une violation grave du contrat de travail, ouvrant droit à une résiliation immédiate ou à une indemnisation pour le salarié. La reconnaissance précoce de ces situations et la mise en place de mesures correctives permettent non seulement de protéger les victimes, mais également de prévenir des risques juridiques et organisationnels pour l’entreprise.
L’obligation de prévention et d’intervention immédiate
Le droit suisse impose à l’employeur une obligation de prévention active contre toute forme de harcèlement (art. 328 CO, art. 6 LTr, art. 4 LEg). Cela inclut :
- la mise en place d’un règlement interne clair sur le harcèlement et les comportements inappropriés ;
- une procédure de signalement accessible à tous les collaborateurs ;
- la formation des cadres à la détection des signaux faibles et à la gestion des conflits.
Dès qu’une plainte est formulée, l’employeur doit agir sans délai : mener une enquête impartiale, garantir la protection de la victime et prendre les mesures nécessaires pour faire cesser la situation.
L’inaction ou la minimisation d’un cas de harcèlement peut être interprétée par les tribunaux comme une faute contractuelle grave.
La médiation professionnelle : un outil préventif et correctif
La médiation professionnelle s’impose de plus en plus dans les pratiques RH suisses comme un moyen efficace de résolution amiable des conflits et de prévention du harcèlement moral.
Encadrée par un médiateur neutre, impartial et certifié, elle vise à rétablir la communication entre les parties, à clarifier les malentendus et à trouver des solutions mutuellement acceptées avant que la situation ne dégénère en contentieux.
La médiation est particulièrement adaptée lorsque les parties se trouvent dans une relation relativement équilibrée, c’est-à-dire sans rapport de pouvoir excessif (par exemple entre collègues ou entre un cadre et un employé disposant d’une marge d’expression suffisante).
Dans les situations où un déséquilibre hiérarchique ou psychologique marqué existe — typiquement entre un supérieur direct et un collaborateur victime de harcèlement —, la médiation ne peut être envisagée qu’à la condition que la sécurité et la liberté de parole de la personne concernée soient pleinement garanties.
Sur le lan managérial, la médiation constitue un véritable outil de prévention :
- elle favorise la détection précoce des tensions avant qu’elles ne se transforment en comportements hostiles ;
- elle permet à l’employeur de remplir son devoir de protection (art. 328 CO) tout en privilégiant le dialogue plutôt que la sanction ;
- elle contribue à instaurer une culture interne de confiance et de responsabilité partagée, réduisant ainsi le risque de harcèlement ou d’isolement à long terme.
Pour l’entreprise, recourir à la médiation démontre une volonté proactive de gestion éthique des relations de travail et une bonne foi institutionnelle face aux obligations légales de prévention des risques psychosociaux.
Préserver le climat social : une stratégie RH durable
La prévention du harcèlement moral et de l’isolement professionnel doit s’inscrire dans une politique globale de gestion des risques psychosociaux (RPS). Pour les entreprises suisses, cette démarche ne relève pas seulement de la conformité légale, mais constitue un véritable levier stratégique de performance et de cohésion.
Instaurer une culture interne fondée sur le respect, la transparence et le dialogue passe par plusieurs actions concrètes :
- Formations régulières : sensibiliser les managers et les collaborateurs à la communication non violente, à la détection des signaux de tension et à la prévention du harcèlement ;
- Supervisions externes : accompagner les équipes à risque par des interventions spécialisées, permettant d’identifier précocement les situations problématiques et de proposer des solutions adaptées ;
- Intégration de la santé psychologique dans la stratégie RH : considérer la prévention des conflits et la promotion du bien-être mental comme des objectifs stratégiques à long terme, intégrés dans les évaluations, les objectifs d’équipe et les politiques internes de l’entreprise.
Un climat de travail sain favorise non seulement la performance et la productivité, mais contribue également à la fidélisation des talents, à la réduction de l’absentéisme et au renforcement de la réputation éthique et responsable de l’organisation. En ce sens, la prévention du harcèlement moral et de l’isolement dépasse la simple gestion des conflits : elle devient un investissement durable dans la résilience et la compétitivité de l’entreprise.
Désigner une personne de confiance : un soutien clé pour les victimes
Dans le cadre de la lutte contre le harcèlement moral et l’isolement, la désignation d’une personne de confiance, interne ou externe, constitue un outil essentiel pour protéger les collaborateurs vulnérables et limiter les conséquences sur leur santé mentale. Ce rôle va bien au-delà de la simple formalité : il offre aux victimes un espace sûr pour être écoutées, informées et orientées vers les solutions adaptées, tout en garantissant la confidentialité des échanges.
La personne de confiance n’a pas de rôle disciplinaire, mais joue un rôle déterminant dans :
- La prévention de l’aggravation des tensions et de l’isolement des victimes ;
- Le soutien psychologique et juridique, en orientant vers des dispositifs de médiation ou d’accompagnement spécialisé ;
- La restauration de la communication et de la confiance au sein des équipes, contribuant à réduire l’impact négatif du harcèlement sur l’environnement de travail.
Pour les entreprises, ce dispositif est également un levier pour renforcer la culture du respect et de la bienveillance, limitant les effets psychologiques néfastes sur les victimes et favorisant un environnement de travail plus sain et résilient. Dans la logique du titre de l’article, la personne de confiance se positionne donc comme un acteur clé pour atténuer l’impact du harcèlement moral et de l’isolement sur les collaborateurs.
Agissez pour protéger : réduisez l’impact du harcèlement moral et de l’isolement au travail
Le harcèlement moral et l’isolement professionnel ont des conséquences réelles et souvent durables sur la santé mentale, la motivation et la carrière des collaborateurs. Dans ce contexte, la prévention devient un outil essentiel pour protéger les victimes, au-delà du simple respect des obligations légales en droit suisse (art. 328 CO).
Les employeurs qui mettent en place des dispositifs clairs — procédures de médiation, procédure de plainte interne, formations ciblées, suivi des situations de tension et soutien psychologique — contribuent directement à réduire l’impact négatif sur les collaborateurs. Ces mesures permettent de préserver l’estime de soi, limiter l’isolement social et protéger la santé mentale, tout en favorisant un climat de travail sain et durable.
Une approche proactive renforce également la cohésion des équipes, préserve la motivation et la performance des collaborateurs et démontre une volonté managériale réelle de protection des employés. En ce sens, la prévention n’est pas seulement un devoir légal ou éthique : elle devient un levier stratégique pour limiter les conséquences du harcèlement moral et de l’isolement, tout en consolidant la crédibilité et la résilience de l’entreprise.
Ainsi, chaque initiative visant à détecter, prévenir et accompagner les victimes transforme la lutte contre le harcèlement et l’isolement en un engagement concret pour la santé des salariés et le succès collectif de l’organisation.
